● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●  

Le monde qui tourne aux alentours alors que doucement son cœur se remet de la surprise. Il y avait eu les rires, la musique toujours plus forte et les odeurs de cigarettes l'engloutissant de tout coté.  Il y avait eu ces filles, toujours le sourire aux lèvres, réclamant toujours plus de sensations. Il y avait eu le battement de leurs cheveux dans le vent qui s'engouffrait des fenêtres grandes ouvertes. Il y avait eu le gout de l'alcool roulant sur sa langue, réchauffant ses papilles, avant de venir plonger dans son estomac presque vide. Il y avait eu la joie, le moment, la fureur de la vie. Jusqu'à ce que le feu ne passe au rouge. Et la voiture qui déboule. Et Kay, et toutes les peines du monde pour comprendre ce qu'il se passe. Et le manque de temps pour attraper le volant, en donner un coup violent pour ne pas que sa voiture ne finisse dans celle d'en face. Sa bagnole qui glisse sur plusieurs mètres avant de s'encastrer dans un choc terrible contre le bâtiment. La vitesse, l'alcool. La joie de ne plus être autre chose que sensation aussi. Et la Terre tournant tout autour de lui avant que les hurlements ne viennent déchirer la nuit, se mélangeant aux bruits de sirènes et à cette incessante musique sortant des enceintes bousillées. L'odeur de fumée sortant du moteur, de ce capot complètement écrasé. La vision du sang, toujours plus immonde. L'odeur acre qui brûle la gorge. L'horreur, et des sourires sur les visages. Plus de hurlements encore. De la chaleur, des rires. Et cette idée. Tu le mérites, connard.

Kay sentit son souffle se couper subitement alors qu'il ouvrait grand les yeux dans son lit humide de sueur. Il lui fallut un instant pour comprendre où il se trouvait et oublier les images de ferrailles en morceaux. Il poussa un long soupir avant de refermer les yeux, laissant ses muscles se détendre malgré le stresse toujours présent. Il en avait rêvé, encore. Si il s'était remis de cette période traumatisante, les cauchemars étaient pourtant de retour depuis quelques semaines, et avec eux les crises de blackout. Se laissant rouler sur le dos, il se força à respirer convenablement, passant les mains sur son visage épuisé avant de rouvrir les yeux, plus réveillé cette fois ci. Il était bien là, chez lui. Tout allait pour le mieux dans les meilleurs des mondes, pas besoin de s'inquiéter. un regard vers le réveil le fit jurer alors qu'il se redressait d'un bond. Il était en retard, et pas qu'un peu. Tant pis pour le rasage hebdomadaire, il ne se contenta que du strict minimum avant de foncer à la boutique, d'une humeur de chien. Tant pis pour les clients. Les images de son rêve ne voulurent quitter son esprit. Ni alors qu'il s'occupa de nouvelles commandes, ni lorsqu'il déjeuna en silence, ni lorsqu'il dut servir quelques clientes curieuses. Comment occulter de tels souvenir de toute façon ? Il ne pouvait pas même boire un bon coup histoire de s'embrumer l'esprit. Seule solution, le sommeil. Une envie de rentrer chez soi pour se plonger sous l'oreiller sans aucune autre compagnie que le silence. Perspective alléchante... Mais impossible. Il avait accepté la veille une invitation chez sa sœur, la plus vieille des deux. Et si chez lui l'annulation de dernière minute était devenue une habitude, il ne se permit cependant pas de faire faux bond à Hjørdis. Elle ou Märta étaient bien les seules capables de lui faire peur. Elles étaient aussi peu être les deux seules capables de le tuer sans aucun remord au moindre rendez vous annulé sans raison. Il aurait à n'en supporté qu'une seule. L'heure fatidique arriva enfin, et avec elle la nécessité de fermer le magasin, seul lieu qui lui semblait paisible dans tout Odense.

Sonner, frapper, entrer sans un mot. Il ne savait jamais trop comment s'y prendre avec sa sœur. Fallait-il être familier ? Ou au contraire rester en retrait ? C'était la jumelle d'Aron plus encore que sa propre sœur et Kay n'avait jamais réussi à comprendre le lien qu'ils entretenaient. Il préférait ne pas interférer entre eux deux, ils semblaient si fusionnels. Il se décida à frapper d'une main, l'autre occupée par quelques freesias au milieu de roses blanches. Une habitude qu'il avait prit que d'offrir des fleurs à ses sœurs. Il s'était fait la réflexion une fois que les dentistes l'offraient pas de détartrages à leurs proches. Mais les fleurs, ce n'était pas la même chose. Une fleur faisait toujours plaisir, enfin d'après son expérience. Frappant à nouveau, il n'hésita pas plus et passa la porte avant de voir la blonde s'approcher de lui. Regardant d'abord aux alentours, histoire de voir si Anja se trouvait dans les parages, il ne trouva rien et sourit à sa sœur, la prenant dans ses bras. « Salut frangine. » Faire bonne figure, toujours. Il l'embrassa rapidement avant de la lâcher, ses yeux vagabondant déjà aux alentours. « Anja n'est pas là ? » Pas qu'elle lui manque non. Il préférait cependant passer la soirée avec du monde plutôt qu'en tête à tête avec sa sœur, allez savoir pourquoi.