une vie, un naufrage.
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à la sortie du cauchemar
Le soleil se lève comme un monstre qui va la dévorer. Soleil qui l’arrache d’une nuit terrible. Une nuit bercée de cauchemars. Elle a peur la nuit Olivia. Elle n’a jamais cessée d’avoir peur. Même quand elle tout quitté, elle avait encore peur. Olivia elle est effrayée. Olivia essuie son front qui perle de sueur. Olivia aimerait devenir grande. L’horloge annonce quatre heures du matin. Il est tôt, trop tôt. Il faudrait qu’elle retourne au lit, mais elle a trop peur de sombrer de nouveau dans de mauvais rêves. Olivia regarde la place vide à côté de son lit et elle se passe la main dans les cheveux. Elle doute, elle redoute. Olivia passe la main sur son ventre qui a déjà bien commencé à enfler. Enfler d'une enflure. D'une crevure. Elle y pensait et elle allait pleurer. Des larmes infinis pour quelqu'un qui n'en valait pas la peine. Des regrets, une volonté de tout refaire, mais elle n'a qu'une vie. Alors Olivia fait confiance à son sauveur. Son sauveur du parc. Celui qu'elle suit avec aveuglement depuis un moment déjà. Olivia doit vraiment s'acheter des yeux.
le navire qui quitte le port
La fin du lycée, comme un soulagement. Olivia n'a pas aimé ça, l'école, tout ça, elle a détesté. Olivia elle croit au prince charmant. Elle s'attend à ce que son prince l’arrache à son Enfer. Il le fera son Prince, elle en est sur. Elle en glisse un mot tout les soirs à son étoile. Parce qu'elle a une étoile qui veille sur elle, elle en est sûre. Une étoile qui brille rien que pour elle, une étoile qui s’élève dans le ciel pour la soutenir. Et Olivia est sûre que ses prières ont été réalisée lorsque, là dans l'ombre d'un rideau se dévoile un bel apollon au visage doux. C'était une soirée lycéenne, sa meilleure amie l'avait organisée. Sa meilleure amie est incapable de lui donner son nom, alors elle trouvera seule. Elle l'aborde, elle le cherche, elle le fait chavirer, elle le taquine et il marche. Il l'enroule dans ses bras, et elle s'y trouve à sa place. Elle veut y rester pour toujours, tous les jours. Elle est sûre que c'est lui son prince, celui qui va la bercer pour la fin de ses jours. Il a deux ans de plus qu'elle, il a déjà un boulot, il a son propre appartement. Et Olivia elle sait que c'est lui, l'Unique. Alors elle le suit aveuglement. Elle croit ses mensonges comme elle approuve ses vérités. Elle tombe amoureuse, maladroitement, mais surement. Elle y était. Les années passe et plus elle s'enterre dans ses convictions, c'est le bon. Elle emménage chez lui, il la convainc de ne pas travailler. Ça ne sert à rien, il a son propre travail. Elle le croit. Elle ne croit plus que lui. Ses parents perdent toute influence sur la petite chose fluette. Elle s'est laissée embarquée au gré du vent sur le cheval blanc de son bel amant.
et le temps s'écoule, il la coule. elle perd pied, elle se noie dans des eaux troubles.
Quatre ans d'aveuglement total. Elle ne l'écoute que lui, elle ne s’intéresse pas aux autres, elle ne doit pas. Elle pense que c'est le meilleur pour elle, parce qu'il lui dit, parce qu'il lui répète. Et elle s'abreuve de ses paroles comme s'il était le Messie. Pas une seule fois elle se remet en question. Elle lui prépare à manger, elle est là quand il revient, elle lui obéit sans poser de question. Et elle se pense heureuse. Elle pense que c'est ça le bonheur. Parce que son cœur bat toujours lorsqu'il la touche, lorsqu'il la caresse son cœur palpite. Papillon dans le ventre accompagne chacun de ses mots. C'est le paradis.
Elle ne se rend pas compte qu'elle a perdu le contact avec tout le monde. Les rares moments où elle est seule, elle s'ennuie, elle ne sait plus quoi faire, elle lit et relit les livres de sa bibliothèque, elle nettoie l'appartement jusqu'à trouver une autre occupation. Quand elle est seule, elle devient folle, elle veut bouger. Elle sautille, elle va voir le voisin ou la voisine. Quand elle est seule, elle sent la solitude qui l'entoure. Elle prend le combiné, va pour taper un numéro, mais n'en connait aucun. Elle pleure, mais il revient. Elle entend sa voix et tout va bien, elle laisse tous ses malheurs, là où il ne les trouvera jamais. Elle veut lui donner l'illusion d'un bout de femme parfait.
La pauvre Olivia commence à se briser, s'effriter. Une nouvelle année s'écoule presque et elle est lessivée. Olivia se sent dépérir. Olivia ne ressent plus de bonheur, plus rien. Ses touchés ne lui font plus rien. Sa voix la laisse stoïque. Elle devient l'ombre d'elle-même. Elle ne peut pas fuir, elle n'a nul part où aller. Il l'a eu. Il avait tout prévu. Il l'avait emprisonné dans une prison de soie. Une prison douce, mais il n'y avait plus rien pour la protéger. Elle se sentait nue, désarmée.
Et il sentait Olivia qui s'échappait, qui se liquéfiait sous ses doigts. Il sentait qu'il la perdait, perdait le contrôle sur elle. Il voulait se sentir tout puissant, mais pas face à cette loque. Une loque qui ne sourit plus, qui ne mange plus. Une loque qui va mal. Il veut la ranimer. La ranimer à coup d'hématome, à coup de sang. Il veut la sentir bouger sous ses doigts, sous ses poings. Elle se met à hurler, crier, à pleurer, à se débattre et il est content. Parce qu'elle réagit. Parce qu'elle vit.
Il n'est plus son Prince, il n'est plus l'Unique. Il est son diable, son Enfer.
la bouée de sauvetage qui vogue dans les flots, enfin, elle l'attrape. elle sort la tête de l'eau.
Elle redoute, elle a peur. Elle a du retard sur ses règles, elle panique. Elle dépasse sa peur, elle franchit le seuil de l'appartement, enroulée dans son manteau et son écharpe. Elle a juste maquillée son oeil pour que personne ne remarque son bleu beaucoup trop flagrant, beaucoup trop violet. Elle voulait garder la face. Elle savoure l'air frais. Elle marche, elle trottine, elle aime cette liberté. Ça fait une semaine que son petit-ami la frappe. Une semaine que c'est de plus en plus violent. Demain, elle a peur d'y rester. Ce matin il l'a demandé en mariage. Elle a fondu en larme et il l'a frappé pour avoir une réponse. Il l'a laissé étendue par terre, elle n'avait pas décroché un mot. Ça fait deux semaines qu'elle a du retard. Elle va dans une pharmacie, achète l'objet de toutes ses peurs et puis elle hésite. Elle ne sait pas si elle rentre ou si elle peut encore s'imbiber de cet air, s'en enivrer jusqu'à n'en plus pouvoir.
Finalement, elle est là, dans ce parc et elle regarde les oiseux, le vent, les feuilles, les enfants... Ils sont si beau les enfants. Elle se demande si elle va en avoir un. Elle se demande s'il sera aussi jolie que cette petite fille. Elle se demande si elle trouvera facilement un nom. Elle réfléchit au nom de famille. Ne serait-il pas plus simple qu'elle se mari avec son bourreau ? Ça fait si longtemps qu'ils se connaissent, il est le seul revenu d'argent.
Et il y a cet homme qui fait des bulles pour les enfants. Ah si seulement, si seulement son ancien Prince charmant était comme ça. Si seulement il était si doux, elle le voyait à son visage, qu'il était doux. Et puis il s'approche de lui, elle panique. Pourquoi il s'approche d'elle. Son Prince Charmant, va peut-être la voir si elle parle à un autre homme, il la frapperait encore alors. Elle hésite et puis il la salue. Elle arrête de paniquer.
« Bonjour, c'est vraiment gentil ce que vous faites avec ces enfants. » Elle lui sourit, elle est réellement touchée par ce qu'il faisait. Un léger silence s'installe, bercé par le cri des enfants qui s'amusent. Il le rompt et elle panique à nouveau.
« Vous savez, je voyage avec une jeune femme qui pourrait vous aider à masquer ça. Moi par contre, je peux vous aider à le vaincre. » Mais il est doux. Et il a raison. Elle rougit, parce qu'elle a honte d'avoir si mal dissimulé son bleu. Elle a honte qu'il voit qu'elle est une femme battue. Elle a honte qu'il voit qu'elle est faible. Elle avait hésité, elle avait réfléchit. C'était en quelques minutes le choix de toute une vie. Elle n'avait pas encore fait le test de grossesse, mais si elle l'était, elle perdrait toute sécurité. Elle serait seule. Mais s'il la battait, pourquoi ne toucherait-il pas à l'enfant ? Non, elle ne pouvait pas le tolérer, l'imaginer. Elle ne pouvait plus laisser passer. Il fallait qu'elle vive pour deux.
ballottée par les flots, elle s'en sort enfin, elle a pied.
Le lendemain, le Prince Déchu était arrêté. Le lendemain, elle avait confirmation de ses craintes, elle n'était plus seule. Plus seule parce que depuis deux semaines elle est enceinte. Plus seule, parce que Aron est là. Ils s'entendent à merveille. Elle a décidé qu'elle le suivrait. Elle est prête à tout recommencer. Même ses erreurs.
Alors elle le suit dans un voyage en Europe. Elle s'épanouie Olivia, elle voit plus de chose qu'elle n'en a vu pendant 22 ans. C'est fou, c'est hallucinant. Comment sa vie a pu changer à ce point en une semaine ? Et puis elle finit par tout avouer à Aron. Le bébé, le fait qu'elle n'a plus personne, qu'elle veut le garder. Elle lui dit tout. Et il y a cet immense espoir qu'il lui dise qu'il veut bien être son Prince Charmant. Il répond à moitié à ses attentes. Il lui dit qu'il veut bien être là comme un père, mais il n'en rajoute pas plus. Il ne dit rien de plus. Olivia seule. Olivia perdue. Olivia avec un bébé dans le ventre. Un bébé qu'elle aime. Il faut qu'elle vive pour deux qu'elle se répète. Elle peut être une femme indépendante. Elle en est sûre. Elle va le faire. Elle le suit à Odense. Odense qui la charme. Odense qui la berce. Elle y fera sa vie. Sa vie de femme, pas celle de petite enfant perdue. Olivia se promet de tout surmonter. Olivia recommencera les études, elle veut avoir un beau travail pour son enfant. Olivia fera partie d'associations dans lesquelles elle croit. Olivia va faire ses propres choix. Elle s'en sait, elle s'en sent capable.