heart by heart
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we're all stories in the end.
○ Un traditionnel repas, le genre de repas du vendredi soir où tout le monde parle de sa semaine, de ce qui s'est passé d'intéressant ou pas. Seulement ce vendredi soir là était sujet au silence, personne n'osait prendre la parole et pour une raison, le père de la famille Abrahamsen était décédé le mercredi qui précédait. Sutter regarde son assiette, tenant sa fourchette dans sa main droite et son couteau dans la gauche, non pas comme ses parents avait passé des heures à lui expliquer qu'il fallait faire l'inverse, mais déjà à cet âge là Sutter ne voulait pas faire ce qu'on lui disait et être libre de ses choix et de ses décisions tel une adulte. «
J'aimerais être danseuse plus tard. » la jeune fille voit les mains de sa mère se crisper sur ses couverts, Klem, Andy, Astrid et Nora lèvent leurs têtes presque tous en même temps, synchronisés. Sutter regarde ensuite sa mère qui vient d'écarquiller les yeux sur sa carcasse de poulet dans son assiette. «
Hors de question. Tu feras des études scientifiques et c'est tout. » Sutter soupire d'exaspération «
Mais ce n'est pas ce que je veux faire! » dit-elle en haussant la voit et en ne quittant pas sa mère des yeux, cette dernière pose ses couverts violemment et quitte enfin son assiette des yeux pour venir poser son regard sur le mur taupe devant elle «
Et alors? Tu crois que c'est ce que ton père voulait? Tu crois qu'il aurait voulu finir ainsi? Non! Il s'est sacrifié pour vous, alors tu vas lui faire l'honneur de respecter ses prières et de faire des études! » cette dernière phrase était plus haute et forte que les autres, la mère de Sutter venait de lui balancer ça comme un coup de poing, imprévisible. Elle avait les larmes aux yeux, tout comme sa fille. «
Tu sais quoi? Moi je crois que papa aurait voulu qu'on fasse ce qu'on veux, et pas ce qu'une femme sénile nous impose. » Dit-elle jetant violemment sa serviette auparavant posée sur ses genoux dans son assiette.
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Encore une nuit, une de ces nuit que Sutter déteste, une nuit où elle reste allongée sur son lit à fixer le plafond et où elle ne ferme pas les yeux de la nuit. Soupirant, la jeune fille soulève sa couverture et pose ses pieds au sol, elle frissonne sous le contact du parquet froid sous sa voûte plantaire. Elle récupère un gilet sur un des fauteuils de sa chambre et se couvre avec. Elle se lève puis se dirige vers la porte qu'elle prend soin d'ouvrir le plus discrètement possible pour ne réveiller personne, mais celle-ci grince à plusieurs reprises. Elle descend ensuite les marches en essayant de nouveau de ne pas faire grincer le plancher, mais sa tentative échoue encore une fois. La famille Abrahamsen n'est pas la famille la plus riche d'Orense, ni la plus pauvre, seulement une grande famille qu'on aide financièrement après la mort d'un parent. Une fois arrivée en bas des escaliers, la jeune fille se dirige vers la cuisine où elle récupère un verre propre au passage, elle ouvre ensuite le robinet pour y faire couler de l'eau dans son verre puis boit presque le verre en entier avant de soupirer. Elle se retourne et voit son frère, Klem, et elle sursaute de surprise «
Ah! T'es con! » celui-ci ne peut s'empêcher de rigoler «
Tais-toi tu vas réveiller maman. » - «
T'arrive pas à dormir non plus? » dit-il en reprenant son sérieux. Cette phrase rassure en quelques sortes Sutter, au moins elle se dit qu'elle n'a pas un trouble du sommeil, lui non plus apparemment a du mal à dormir. «
Oui, depuis... » - «
je sais, tu n'as pas à le dire. » le terme "mort" était toujours un sujet tabou, personne ne voulait en parler, ce qui est compréhensible, personne ne voulait se remémorer à quel point il est difficile de perdre un être cher. «
Tu sais, des fois j'aimerais que tout redevienne comme avant. Comme quand maman était encore heureuse et que papa était encore en vie. Comme quand tous les soirs papa me lisait des histoires comme celui de la petite fille aux allumette ou du soldat de plomb. Comme quand tout le monde rigolait et qu'on ne se souciait plus de ce qu'on pouvait dire. Comme quand... quand on était heureux. » Sutter baisse la tête, elle a beau être celle qui a le moins connu son père, ce n'est pas pour autant qu'elle ne l'aimait pas. C'était son garde du corps, son camarade de jeux, son ami, son conteur, son protecteur, son tuteur, son donneur de leçon, c'était son père. La jeune fille baisse la tête, laissant couler une larme sur sa joue gauche, une larme qu'elle sent chaude au toucher sur sa joue et salée quand elle arrive sur ses lèvres. Elle renifle doucement et essuie sa joue avant de regarder son frère qui a les yeux rivé sur son verre à moitié plein. «
On aimerait tous que ça se passe comme ça Sutter. » - «
Mais ce n'est pas pour autant que tut va redevenir comme avant. » elle sent les larmes lui monter les yeux, elle ferme les paupières à cause des brûlures provoquées par sa montée de larmes et de la lumière de la cuisine. Klem avance vers sa sœur avant de la prendre dans ses bras, Sutter fait de même. Depuis le décès de son père, Klem est devenu la figure masculine qu'elle prenait pour son père, évidemment, il ne pourra jamais le remplacer notamment parce que c'était son père à lui mais il essaiera d’agir comme tel, pour la famille. «
Aller viens, on va s'asseoir sur ton lit et je vais te lire pour la énième fois l'histoire de la petite fille aux allumettes, d'accord? » dit-il tout en frottant le dos de sa jeune sœur, celle-ci acquiesce tout en le serrant de plus belle. La petite fille aux allumettes a toujours été le conte d'Andersen préféré de Sutter, ce qu'elle aime particulièrement dans cette histoire c'est le courage et la force d'esprit de la petite fille, son imagination également. C'est effectivement l'un des contes les plus tristes, mais elle aime également que justement, il soit différent. Elle sait bien que ce ne sont que des histoires et que des contes inventés, mais elle se dit qu'il faut bien que l'inspiration vienne de quelque part non?
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Ça faisait quelques temps déjà que plus rien allait, qu'ils se prenaient la tête alors qu'auparavant c'est à peine si l'un faisait un reproche à l'autre. Mais cette fois, ça avait déraillé et pas qu'un peu. Aron n'allait pas bien, il avait l'esprit tiraillé et se posait des questions, tandis que Sutter ne savait pas comment y répondre et elle aussi avait ses propres problèmes, pourtant dans un couple il faut se parler, évoquer à l'autre ce qui ne va pas, mais pouvez t'on appeler cela un couple, deux personnes attirées l'une par l'autre qui se cachent et qui s'aiment en secret? Non. Ce n'est pas ça.
En se levant se mâtin, Sutter savait qu'elle devrait aller parler à Aron, aller s'expliquer avec lui, ou du moins essayer. Essayer de comprendre ce qu'il s'est passé ces derniers jours, pourquoi tout d'un coup ils ont arrêté, tout arrêté. En refermant la porte de chez elle, Sutter expire bruyamment, elle regarde son téléphone portable, aucun signe d'Aron, peut-être était-il déjà passé à autre chose? Peut-être s'était il réconforté dans les bras d'une autre femme? Parce que oui, c'était possible. Six ans les séparent, il pourrait très bien considérer que ce n'est qu'une gamine, une enfant. Après tout il peut très bien s'être joué d'elle. Mais après cette année, cette année qui fut sans hésiter la plus belle de sa vie, comment pouvait elle se dire qu'il se fichait d'elle, qu'elle ne comptait plus pour lui, elle ne sait pas, elle ne sait même plus quoi penser de tout ça, tout ce qu'elle sait c'est qu'elle va prendre le volant et se diriger jusqu'à chez lui et essayer de s'expliquer, essayer.
Une fois devant la porte de chez lui, c'est comme si la jeune femme avait perdu toute confiance en elle, les mains moites, elle s'empresse de les essuyer sur son blue jean. Elle reste quelque secondes sans bouger devant la porte fermée, avant de se décider à toquer, trois coups sec. Après une dizaine de secondes qui semblèrent plus longues dans l'esprit de Sutter, Aron ouvre la porte, il semble surpris de la voir et elle surprise qu'il soit surpris. Ils restent comme ça, pendant quelques minutes, se fixant sans prononcer un mot, seulement Sutter finit par briser ce silence interminable «
euh.. je peux entrer? » dit-elle en se frottant les mains, il est vrai qu'il ne fait pas très chaud dehors «
Ehm oui, je t'en prie entre.. » dit-il à son tour en s'écartant de la porte. Sutter entre, le pas timide. Ce n'est pas comme si elle n'était jamais venu ici auparavant, au contraire, mais pas dans de telles circonstances. Les mains toujours moites, la jeune femme ne peut s'empêcher de toucher un des bracelets qu'elle a autour de son poignet droit, c'est ce qu'elle fait quand elle est nerveuse, et dès qu'elle s'en rend compte, elle arrête immédiatement. Elle le regarde et il lui renvoie son regard «
Aron j'aimerais parler de qu'il s'est passé... » il ne la lâche pas des yeux, ne réagissant pas, Sutter continue sa phrase «
du fait que, depuis quelques jours ça ne va plus très bien et... et j'aimerais que ça s'arrange... » elle bégaye, elle n'en revient pas. C'est comme si c'était redevenu un inconnu pour elle et qu'elle avait peur de s'adresser à lui, peur de se faire rembarrer «
Sutter... Arrête. » dit-il doucement, d'un ton qui ne se veut pas agressif mais en quelque sorte rassurant, puis il baisse la tête en détournant son regard. La jeune femme baisse également la tête et remet une mèche de ses cheveux derrières son oreille. Lorsqu'elle relève la tête elle n'ose pas le regarder dans les yeux, alors elle détourne le visage et pose les yeux sur des bagages, à sa gauche. Puis pose les yeux sur lui. «
Alors comme ça tu t'en vas? » une larme coule inconsciemment de son œil gauche, puis du droit, seulement elle les essuie rapidement. Elle ne veut pas montrer une once de faiblesse, car ça prouverait qu'elle tient à lui. «
Oui, je pars... » - «
Quand? » - «
Aujourd'hui. » elle n'y croit pas, elle détourne le visage pour baisser la tête. Elle se pince les lèvres pour s'empêcher de pleurer mais n'y arrive pas, c'est plus fort qu'elle. A ce moment là, elle a envie de le frapper, non pas pour lui faire du mal, loin de là, mais pour lui montrer à quel point elle lui en veut. A quel point il lui fait du mal, mais elle se contient. Elle avance vers lui, jusqu'à se retrouver à quelques centimètres de son visage, les joues en feu «
Très bien. Dans ce cas ne reviens jamais. » dit-elle d'un ton qu'elle essaie de rendre le plus sec possible. Puis elle ouvre la porte, sort et la claque derrière elle. Une fois dans sa voiture, elle ne peut plus contenir ses larmes et laisse échapper son chagrin, oui, elle l'aimait.