C'est un tout qui nous définit
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si on pouvait changer le passé, le ferait on pour autant ?
Une enfance heureuse ? Non, pas vraiment. On ne peut vraiment pas dire ça. Maman est douce, elle chantonne doucement tandis qu'elle me coiffe les cheveux. Elle m'embête à vouloir toujours me les couper tout le temps mais je ne peux pas vraiment dire grand chose. Je suis trop petit pour qu'elle m'écoute. C'est chiant d'être trop petit, il y a tant de choses qu'on n'a pas le droit de faire...
Non, tu es trop petit pour ça... Non, seul les grands peuvent décider de ça... Je soupire. Mais maman ne m'entend pas. Elle, elle est jolie avec ses long cheveux bruns. Mais ce bleu sur sa joue gâche décidément son beau visage tout blanc. Je fronce les sourcils devant nos reflets mêlés. Elle ne dit rien, elle ne se plaint jamais. Elle est trop gentil et ça lui arrive tout le temps.
Je ne comprends pas. Pourquoi ça arrive tout le temps ?
J'ai peur soudain et je frissonne. Je tremble. Maman me regarde d'un doux air, elle me caresse la joue. Elle semble savoir ce que je pense mais ne dit rien. Elle ne dit jamais rien.
Il est tout juste huit heures du soir, je le vois sur ma pendule. Caché sous mes couettes, j'essai de me boucher les oreilles mais ça ne marche pas. J'entends tout, je comprends tout. Faut croire que je nuis pas assez petit.
Maman crie, elle pleure. Je sais qu'elle a mal mais je ne peux pas bouger, j'ai trop peur. C'est papa. C'est encore papa. C'est toujours papa. Il a trop bu, comme toujours. Son haleine puait lorsqu'il m'a enfermé dans ma chambre tout à l'heure. Sa main était forte sur mon bras, ses doigts me serraient la peau avec violence. J'ai mal moi aussi mais ce n'est rien comparé à maman. Je l'entends qui pleure toujours, qui pleure encore.
Adolescence enjouée ? Non, pas vraiment. On ne peut vraiment pas dire ça. Il pleut. C'est bizarre, c'est comme dans les films. Il pleut toujours les jours d'enterrements.
Je suis seul, c'est finit, ils sont tous partis. Il y avait du monde, ça lui aurait fait plaisir. Moi, ça me dégoûte. Tous ces gens savaient et personne n'a jamais rien fait. Mais moi aussi je savais et je n'ai rien fait non plus, à part me prendre également des coups.
Et maintenant, elle est morte. Voilà, c'est terminé. Et lui, il est derrière les barreaux. Qu'il y reste !
Je laisse l'eau me coulait dessus sans réagir. Les gouttes s'infiltrent à travers mes vêtements et se posent sur mon peau, s'insinuant jusque dans mon cœur, le glaçant encore un peu plus.
J'ai 17 ans. J'ai 17 ans et je suis seul.
Et après alors ?Je consulte le dossier de la patiente d'un air absent. Je laisse mes yeux se perdre entre les lignes et mon esprit divague.
On ne peut pas dire que se retrouver seul à 17 ans fut facile. Mais encore une fois, maman avait pensé à tout. Je me souviens encore du choc que j'ai eu d'être mis au courant de tout ce qu'elle avait mis de côté pour moi. De quoi vivre et grandir en toute quiétude.
Chère maman....
Je m'étais promis que je ne laisserai plus personne avoir mal, jamais ! Ainsi mon avenir était tout tracé. Moi qui n'avais jamais vraiment réfléchit à ce que je ferai...
La fac de médecine m'avait accueillit les bras ouverts. Pas d'étonnement, j'avais toujours travaillé convenablement en cours. Maintenant je pourrai sauver les gens, les sauver réellement.
La femme crie, un son bref et glaçant. Je sais ce que ça signifie, je reconnais parfaitement ce son, même si la voix ne correspond pas. Je regarde au lion, la porte d'entrée. Elle est entrouverte.
Je ne réfléchit pas, le sang me monte au cerveau. Une fureur aveugle emplit soudain tout mon corps. Je vois rouge. Je ne réfléchit pas.
Même alors qu'elle est ouverte, je défonce d'un coup la porte d'entrée, indiquant d'un son brute ma présence. Un homme se retourne sur moi, le visage emplit de haine. Pas de réflexion. Mon poing part. Le choc contre sa mâchoire est douloureux. J'y ait mis toute ma force. Ses yeux se révulsent. Il s'effondre. Je grimace, ma main me fait un mal de chien.
Je n'ai pourtant pas le temps d'y songer. La femme est allongée par terre. Ses yeux papillonnent, sa respiration est saccadée. Je m'approche. Elle tente de reculer, en vain tant les forces lui manquent. Je fronce les sourcils.
Calme toi Lukas, calme toi ! Il est déjà K.O. Je me penche doucement sur la jeune femme. Avec délicatesse, essayant de ne pas lui faire de mal, je la soulève et sort de cette maison, sans un regard en arrière.
Elle est allongée sur le lit d'hôpital, endormie, le visage enfin paisible.
« Plus personne ne te fera de mal maintenant. » Je la regarde une dernière fois, m'arrêtant un instant sur sa main immobile. Entre ses doigts, j'ai glissé un petit papier avec mon numéro.
Seul l'avenir nous dira ce qui se passera.
Advienne que pourra !