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Odense. Je vais commencer une nouvelle vie ici. Fini d’être « la fille de… ». Je vais enfin vivre de mes propres ailes et ne plus compter sur l’argent de mes parents pour subvenir à mes besoins. En envoyant mes croquis il y a deux mois dans différentes agences, je ne pensais pas en recevoir une réponse d’aussi loin et pourtant, j’ai sauté sur l’occasion. Je n’ai pas d’attaches à Los Angeles, mise à part ma famille. J’ai trop de souvenirs dans cette cité des anges, beaucoup trop…. Ici, je vais pouvoir tout recommencer à zéro. Vivre comme j’ai toujours aimé, sans me soucier du lendemain. Dans cette ville, je n’aurai plus peur que les souvenirs remontent à la surface à chaque coin de rue ou à chaque tag sur un mur.

Cela fait deux mois que j’ai fraîchement débarqué des Etats-Unis, mais entre les différents rendez-vous pour le boulot et le reste, je n’ai pas eu le temps de défaire tous les cartons, qui s’empilent encore et encore dans mon appartement. Ce soir-là, je décide de faire un peu le ménage dans mes affaires et attrape le premier carton qui me passe par la main : une seule et unique photo qui me replonge quelques années en arrière. Saad. Je n’oublierai jamais la première fois que ma route a croisé la sienne. Au premier abord, peu de personnes se seraient arrêtés, mais je suis restée fascinée par son tag. J’aime le dessin depuis toujours, tous les types de dessins : croquis, tags, œuvre d’arts… Alors je me suis arrêtée, approchée. Je ne sais pas comment, mais je suis parvenue à entrer dans son monde, à le comprendre et à réussir ce que peu de personnes sont parvenus à faire : l’apprivoiser. Saad était un électron libre, un loup solitaire. Son côté unique, mystérieux m’a donné envie d’en savoir plus sur lui, de mieux le connaitre et de le sortir de sa spirale infernale. « Saad est mon invité, il restera chez nous, le temps qu’il le faut. » dis-je à la gouvernante le soir où il a débarqué chez moi avec ses affaires. Il avait fugué de chez lui et sans la moindre hésitation, je l’ai hébergé chez nous. Je voulais l’aider, le sortir du monde de la drogue et le transporter dans mon univers. Contre toute attente, j’y suis parvenue. J’aurai tout fait pour lui. Tout. D’ailleurs, c’est ce que j’ai fait durant quatre années. Nous partagions tellement de choses en commun : la musique, le dessin… Il aimé me surnommer sa muse. Je me suis prêtée au jeu, devenant une muse comme celle de la mythologie grecque. J’ai aimé ça, pendant un temps, puis j’ai mûri, grandit. Comme tout le monde. Enfin, peut-être pas comme tout le monde… Saad n’a pas vraiment apprécié que je change de comportement. Le sien aussi a changé : de la violence.. Tant de violence. Pas physique, mais verbal. Je l’aimais, me donnant corps et âme, mais je ne pensais pas qu’il serait un jour capable de me lancer tant d’insultes au visage. Finnigan fut mon premier grand amour. L’amour que l’on ne peut rencontrer qu’une seule fois dans sa vie. Celui qui commence par un grand « A ». Celui qui fait tellement mal lorsqu’il se termine, surtout lorsque la fin est brutale. A vrai dire, encore aujourd’hui, je ne sais pas ce qu’il s’est réellement passé. De l’amour à la haine, il n’y a qu’un pas à franchir et celui-ci fut franchi entre nous. Silence radio. Le vide. Plus rien. Pas un appel, pas un message. Juste un silence et pesant silence. Il était parti, je ne sais où, sans un mot et sans la moindre explication. Pourquoi fus-je si surprise de ce comportement ? On ne change jamais une personne de sa véritable nature.

Il parait que nos dessins sont le reflet de ce que l’on ressent à l’intérieur de nos. Après le départ de Saad, les miens sont devenus noirs, triste, reflétant à merveille mon état d’esprit. Je me suis sentie abandonnée, brisée en mille morceaux. Quatre ans de ma vie balayée du revers de la main. A mon tour, j’éprouvais de la colère à son égard : pire de la haine. Je lui en ai voulu de m’avoir brisé, de m’avoir fait croiser sa route et de l’avoir fait l’aimer. L’aimer à en perdre la raison. « Tu dois te reprendre Mona, oublie le. » Même adulte, Sara, ma nourrice de toujours était toujours là. La seule à se soucier de moi, tandis que mes parents étaient toujours bien trop occupés à diriger leur société de cosmétique. Sara avait raison. Je n’avais pas le droit de rester au fond du trou pour un homme, alors que je me suis reprise en main. J’ai tout fait pour chasser Saad de mon esprit. Je voulais quitter cette ville et quitter tout ce qui pouvait me ramener de près ou de loin à lui.  

Farfouillant dans le carton, je retombe nez à nez avec le premier livre pour enfant que j’ai dessiné ; celui que j’ai envoyé aux différentes agences, en espérant qu’il serait mon « ticket » pour un changement de vie. Aujourd’hui, c’est chose faite. Cet appartement et ce nouveau pays sont le témoignage de tout ce changement. Une chose est sure, à Odense, plus de Saad Finnigan. Il appartient au passé.  
 

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